La vie pour le pire et pour le meilleur

22 octobre 2017

« Bonjour, sachez une chose, la vie est injuste » : (JP.Bord, Professeur des Universités, première année de MASTER en 2007).
J’étais sur les bancs de la Fac à Montpellier lorsque « l’ancien » est entré dans la salle. Il a salué les étudiants et le plus simplement du monde, nous a adressé cette phrase avant de s’asseoir et de commencer le cours.

Un soupçon anodine, sa phrase était courte, puissante et au final, tellement vraie !

LE CONTEXTE

Deux ans ! Oui, premier « post » depuis deux longues années. Depuis la création de ce blog en 2013, je m’étais promis de le mettre à jour régulièrement. Pourtant, je constate que je n’y arrive pas vraiment. Non par manque de temps, mais simplement parce que je n’avais plus beaucoup d’inspiration et encore moins de motivation.
Même si cette plateforme n’a pas la finalité de faire la « promotion » de mon état d’esprit du « moment », je me dis souvent que malgré tout, je pourrai faire un effort quant à la régularité des mises à jour de son contenu. Il serait quand même navrant de pondre seulement dix articles par décennie, non ? Mais peu importe, cet outil est une sorte de « journal de bord » qui « témoigne », pour moi, pour vous.
Par l’écrit et tout au long de ma vie, je me souviendrai de ces périodes et moments vécus dans ma vie d’homme, d’où le côté parfois intime et souvent personnel de mes articles. Ils m’offriront l’opportunité de me plonger immédiatement dans des souvenirs et sensations, un peu comme lorsque l’on regarde de vieilles photos et que la nostalgie traverse notre corps et notre esprit.

L’ANALYSE

2017, une année de renouveau pour moi et il était temps ! Les deux dernières années ont été difficiles. Une sorte d’apogée à la malchance qui fait partie de moi depuis bien longtemps maintenant (simple constat, je suis « chat noir » c’est tout !). D’ailleurs me direz vous, constat plutôt banal dans la vie d’un être humain, puisque libre à chacun de mettre quantité d’événements derrière le mot « malchance ». Chaque individu a donc potentiellement sa propre définition et caractérisation de cette notion, compte tenu de son vécu.
De manière un peu plus conceptuelle, si on s’intéresse à l’astrologie, on constate que « Pluton » était sur la « gueule » des Capricornes depuis environ deux ans. Au rendez-vous, remises en questions permanentes et choix difficiles à faire. Bref, « les bêtes à cornes » devaient encaisser, point barre. Mais, au-delà des apparences, si on regarde l’ensemble de manière un peu plus approfondie, on s’aperçoit également qu’il est possible de « qualifier » cette malchance et de manière plutôt pertinente.

C’est pourquoi, des périodes difficiles et répétées sur quelques années peuvent potentiellement faire beaucoup de dégâts, sur le plan physique et psychique. Avec le recul, je pense qu’il est plus facile de s’en sortir si on a la capacité de faire la part des choses, de manière rationnelle et si l’on sait s’entourer des bonnes personnes. C’est ce qui s’est passé pour moi et je peux vous le dire, nous sommes bien loin des citations « bateaux » qui fleurissent un peu partout sur les réseaux sociaux du genre : « tout ce qui ne tue pas rend plus fort ». Sans déconner, aujourd’hui, on s’improvise philosophe en quelques secondes. Comme s’il suffisait d’une « citation » pour passer à autre chose et en toute circonstance. C’est presque gerbant et à minima nauséeux. D’autant plus, que ce genre de propos, tellement consensuels, pourraient s’accorder pratiquement à tous les événements de « malchance » dans la petite vie d’un être humain.

LA PRISE DE CONSCIENCE

La réflexion et la prise de recul peuvent ouvrir l’esprit et aider à se forger un mental en « béton armé » à condition de manger 100% de l’histoire et pas exclusivement la partie qui nous intéresse ! À titre d’exemple, les philosophes grecs (pour ne citer qu’eux) sodomisaient régulièrement leurs jeunes étudiants pour leur transmettre leur savoir. C’est moins « glamour » certes, mais si on s’intéresse exclusivement au « bon côté » et ici, au « politiquement correct » nous avons connaissance que d’une partie de l’histoire et en aval, l’analyse ne sera pas pertinente.
Pourtant, bien réfléchir, c’est tenter de définir le « pour » et le « contre ». Il faut mettre les choses à plat, poser son discours, analyser, observer dans les moindres détails. Lorsqu’on réalise cette démarche, les mots, pensées et sentiments s’articulent. Des routes se dessinent et des solutions apparaissent.
Quand une « tuile » t’arrive, il faut encaisser c’est tout, d’autant plus que c’est souvent inéluctable, alors autant passer à autre chose. Il n’y a pas vraiment de méthode « type » mais je pense que cette démarche permet d’une part de garder « les pieds sur terre » et d’autre part de faire les « bons choix » en restant un minimum objectif. Ce sont des périodes difficiles certes, mais elles composent la vie. Ces dernières années, j’ai encaissé, aujourd’hui j’encaisse et demain j’encaisserai.
Une remise en question est toujours nécessaire et je ne parle pas d’une petite « révolution » du genre : « je vais participer à la sauvegarde de la planète en allant au boulot à bicyclette demain matin ». Non, il s’agit de la vraie remise en question, de la profonde, sur soi-même et par conséquent, la plus difficile : se mettre devant le miroir et tout balancer.

  • Méditer et se concentrer sur son « soi supérieur ».
  • Ne pas rechercher la perfection puisque c’est mon « ego » qui en a besoin et non mon « moi supérieur ».
  • Regarder et observer les personnes autour de soi avec compassion.
  • Ouvrir son cœur et sa conscience pour mieux recevoir et mieux donner.
  • Accepter ce qui m’arrive pour laisser place à autre chose et à de nouveaux objectifs.
  • Etre joyeux et « léger » dans sa façon de vivre et d’appréhender l’avenir.
  • Vivre le moment présent, mettre de la lumière dans sa vie, sa tête et son cœur.

Voilà le résumé de ce travail de remise en question, long et difficile. En prendre conscience est une chose, le mettre en pratique en est une autre. Toutefois, les deux étant indissociables, ce n’est qu’une question de temps et pour ma part, le processus est toujours en cours.

DES HAUTS ET DES BAS

Depuis quelques temps, ma vie est donc à double tranchant. L’illustration choisie dans l’en-tête de l’article montre bien cet aspect. Sur le plan professionnel, tous les voyants sont au vert. Je suis patient, rigoureux et organisé, en somme les bons ingrédients dans l’optique de mener à bien ses projets. Sur le plan personnel en revanche, les voyants tendent davantage vers le orange, voire le rouge.
Cette dernière décennie, j’ai d’ailleurs à tord, souvent mis en opposition ces deux plans. Je ne comprenais pas pourquoi j’avais une certaine réussite sur le plan professionnel à l’inverse du plan personnel. De plus, les faits me confortaient dans cette (fausse) idée. En effet, dès que j’étais heureux, d’ailleurs souvent dans le cadre de ma profession (réussite de concours, changement de poste), j’étais malheureux peu de temps après, à la suite d’une « galère personnelle ». Ce même schéma s’est déroulé pendant deux longues années avec au menu, une satisfaction éphémère. Ma vie était rythmée par ces événements, en « dents de scie ».

Les relations

Avec le recul, mais aussi grâce à certaines personnes, j’ai réussi à comprendre « l’articulation » de ces plans. En effet, ils ne sont pas à appréhender de la même manière, d’autant plus pour une « bête à cornes » qui par définition est toujours dans le besoin d’analyser, de faire la « faire la part des choses » et de tenter de prendre en compte le maximum de « paramètres ».
Par exemple, dans la vie amoureuse les sentiments se méritent. Il faut être « disponible » et en « même temps ». Souvent, sur le papier, tout est impeccable, la rencontre parfaite. Pourtant rien ne se passe. Il n’y a pas d’alchimie et autant de « feeling » qu’un encéphalogramme de batracien. L’un des deux n’est pas « disponible ». Il ou elle n’est pas prêt(e) à s’investir, à donner de sa personne même si « dans le discours » le contraire est souvent énoncé !
Quelquefois, on tombe sur des « cas » ! On se retrouve, malgré nous, tributaire des relations passées de la « nana » (ou du mec, ça marche dans les deux sens). De notre côté, on est ultra disponible et au taquet. De l’autre, c’est l’inverse, sauf dans le discours. Du coup, difficile d’anticiper la chute (qui sera douloureuse) et on se lance alors, corps et âme dans le « merdier ».
Bien évidemment, la relation échoue. On nous sert la célèbre sauce « RH » du style « vous êtes un élément important dans notre entreprise, mais vous devez partir ! » Dans notre cas, c’est plutôt, « t’es une personne magnifique, incroyable, tu mérites tellement d’être heureux », LOL, et mon cul sur la commode aussi ?
La vérité, c’est que dans leurs relations passées, les mecs étaient tellement nuls, qu’une simple invitation au théâtre donne l’impression de « dérouler le tapis rouge », du style « le mec me sort le grand jeu », il fait « ALL-IN ». Dans ces circonstances, il faudrait limite, inviter la personne au « snack » du coin et on éviterait de dépenser du temps et de l’argent pour des nanas ou des mecs qui ne sont pas « prêt(e)s ».

Au niveau sentimental, cette notion de disponibilité est très importante puisqu’elle a une conséquence sur la manière dont on appréhende notre relation. Pour faire « match », il faut bien entendu une attirance mutuelle, mais également cette capacité d’investissement. La vie réservant son lot de surprises plus ou moins agréables, en fonction de la vie personnelle de chacun et chacune, il peut-être alors difficile de « prendre conscience » que nous ne sommes pas dans une période propice à cet investissement d’où les échecs successifs de nos relations sur une période donnée. Il sera alors indispensable de prendre le temps de construire cette « disponibilité » car elle sera fondamentale pour sa vie sentimentale. Malheureusement, cette notion de « disponibilité » est également conditionnée de très près par les aléas de la vie. Parfois, on peut jongler avec et dans d’autres cas, c’est impossible.

Dernier voyage vers ma mère

Elle entre à l’hôpital mi-décembre pour une fatigue passagère et elle décède 10 jours après, en direct, dans mes bras. Putain, sans déconner, toujours plus vite ! Je deviens ingénieur et dans la foulée, je perds ma mère. C’est tout simplement de l’ascension émotionnelle à l’état pur : « tiens t’es heureux, puis 5 minutes après t’es au fond du gouffre ». Même les infirmières avaient de la peine. Tu m’étonnes, tu vois trois gamins de même pas 30 ans débarqués aux soins palliatifs un soir de réveillon, un 31 décembre, après s’être envoyé 400 bornes de bagnole. Dans ce cas, tu te dis bien que la vie est une pute parfois, non ?
Je me souviendrai toute ma vie de ce « mal-être » qui avait pris naissance dans le train depuis Montpellier jusqu’à Paris « Gare de Lyon ». J’étais assis dans le TGV dans un wagon plutôt calme. C’était un soir de réveillon et les gens  partaient retrouver leurs amis et leurs familles. Quant à moi, je devais initialement rejoindre mon meilleur amis sur Paris pour fêter la nouvelle année et me changer les idées. J’avais mes écouteurs, de la bonne musique mais malgré tout, la tête contre l’appui-tête, les yeux fermés et quelques larmes sur le visage. J’étais tiraillé par mon esprit parce que je savais que dans quelques jours, je n’aurai plus de mère. J’étais perdu. Ce mal-être s’est intensifié dès l’appel téléphonique du médecin urgentiste de garde, lorsque j’étais à peine descendu du train. J’ai dû trouver un petit coin peu bruyant pour tenter de comprendre le médecin. J’ai vite compris que j’avais posé le pied à Paris pour seulement quelques minutes. J’ai appelé mon meilleur ami, nous sommes passés récupérer ma soeur en direction de Limoges où elle était hospitalisée. Ce mal-être intense, s’est installé durablement dans mon corps jusqu’à mon arrivée en voiture devant l’hôpital, tout juste avant d’atteindre son paroxysme à l’entrée de la chambre de ma mère aux soins palliatifs. Ce « fils de pute » était tellement puissant.
Pendant le trajet, tu te dis qu’il faut être fort, qu’il faut garder espoir. Tu penses à tout ce que tu as fait avec ta mère. Tu de demande comment tu vas faire si elle te laisse, si elle nous laisse. 1000 questions à la minute parcourent ton esprit et c’est la merde. Tu as des « flash-backs » à la pelle, de la peine, de la joie et ce mélange de sentiments est difficile à gérer. De l’anecdote où ta maman t’aidait à chercher les œufs de pâques dans le jardin quand tu avais 5-6 ans à la dernière « prise de tête » que tu as eu avec elle. En quelques heures, tu te souviens de TOUT.

L’arrivée aux enfers

Sur le parking de l’hôpital, vers 04 heures de matin, j’ai commencé par « pisser » en regardant le paysage « dégueulasse ». Il faisait sombre et c’était un temps d’hiver : froid, humide et avec du brouillard. Je me disais : « tout est à chier ici », même le temps. Nous sommes entrés par les urgences, en bas. Il n’y avait pas grand monde, personne d’ailleurs sauf le personnel médical et nous étions attendus. L’équipe du haut avait prévenu l’équipe du bas.
Tu vois dans la vie tu galères souvent pour n’importe quelle démarche administrative. Régulièrement, tu as l’impression que les services ne communiquent pas entre eux, que tout est fait pour que tu « galères ». Là, j’avais une impression étrange. C’est comme si c’était l’inverse. Nous avions rien à faire, ils étaient au courant. L’administration fonctionnait à merveille dans le cas le plus désespéré qu’il soit ! Je me suis dis, mais « comment est-ce possible ? » Tout fonctionnait et ce n’était pas normal. Un peu comme si tu connaissais la fin du film avant d’aller le voir. Un peu comme si sans le dire, l’administration te disait que c’était fini !

Nous avons pris l’ascenseur, puis nous sommes arrivés, ma sœur, mon meilleur ami et moi-même dans un grand couloir sombre et large. L’odeur de l’hôpital, très rance parsemée d’un soupçon de « senteurs » de produits médicaux, ajoutait une « lourdeur » tellement intense à la scène. C’était une odeur de « mort » accentuée par la simple localisation de l’étage des soins palliatifs, dernier niveau avant le « grand vide ».
Une infirmière nous a accueilli. Avant de pouvoir rentrer dans la chambre de ma mère, nous devions enfiler des blouses, chaussons et bonnets médicaux, le tout rangés dans des casiers en métal, style année 1950 immondes. Même les casiers étaient merdiques ! Quel stress ! J’avais l’impression d’aller voir un contaminé. Mes oreilles commençaient à siffler, j’avais des sortes d’acouphènes de stress, le ventre noué, la gorge également puisqu’au fond de moi, je savais que j’étais prêt à chialer ma race ! J’étais prêt à voir ma maman, à lui parler, à être à ses côtés, en vain !
Si seulement, si seulement le corps médical avait pris la peine de nous expliquer. D’ailleurs, c’est une bonne question. Est-ce que de manière générale, il y a un « protocole » pour ça ? Un protocole d’explications à destination des familles. Expliquer que je ne pourrai plus jamais parler à ma mère d’une part, parce qu’elle était tellement « droguée » qu’elle était en délire complet. D’autre part, parce qu’elle était mal, elle respirait mal, elle n’ouvrait pas les yeux, elle souffrait. Cette fois, j’étais en capacité de mettre une image sur des mots. La fin était proche.

Un direct avec la mort

Plus tard, j’ai demandé son dossier médical complet et ce que j’ai lu était peut-être plus dur que de l’accompagner vers « l’au-delà ». Dans son dossier, j’ai constaté que même la morphine ne faisait plus effet. Elle souffrait malgré les doses « maximum » données par le personnel médical. Lorsqu’elle décrivait ses douleurs aux médecins, quelques jours auparavant, elle était encore consciente. On s’envoyait encore des messages et malgré tout, elle me disait que « ça allait », de ne pas m’inquiéter et de me concentrer sur mon nouveau poste à Montpellier. Plus tard également, j’ai accédé à sa boîte « mails » et j’ai consulté ses derniers messages. Un, en particulier m’a fait la plus grande peine du monde. Il datait du début du mois de décembre 2015, peu de temps après mon dernier « weekend » avec elle, lorsque je travaillais encore à Carcassonne. Elle avait beaucoup de mal à dormir, elle se grattait et elle pensait que ça venait de la lessive qu’elle avait récemment changée. En réalité, c’était les premiers (et derniers) symptômes de sa pathologie dite asymptomatique (pathologie sans symptômes pendant la durée de progression de la maladie et lorsqu’ils se déclarent, la maladie est à son apogée et c’est trop tard).

Pourtant, calmement je l’ai prise dans mes bras, enfin dans mes bras, tout est relatif. Disons, que je me suis « fait » un chemin entre tous les tuyaux respiratoires, cathéters et toutes ces merdes. J’ai tenté de la « réveiller » d’un simple « Maman, tu ne vas pas nous laisser hein ? ». Elle a entrouvert les yeux et a dit : « bien sûr que non ! ». Elle avait l’air d’avoir fait un effort surhumain pour me dire ces quelques mots, un peu comme si elle était « embarquée » dans les abysses profondes du délire et que malgré tout, elle réussi à s’extirper quelques secondes de cet enfer pour revenir à la réalité et parler à son fils.

Voilà les seuls et derniers mots échangés avec ma mère. Ils resteront à jamais gravés dans ma mémoire au même titre que notre dernier échange d’SMS et dans mon cas « Tu dors ? » envoyé la veille, auquel je n’aurai jamais de réponse. Dans ces moments, tu te rends compte que tout est important. Chaque geste, chaque mot écrit ou parlé. Tu culpabilises même d’avoir effacé des discussions avec elle, comme avec d’autres personnes, sous prétexte de devoir « libérer » de la place sur ton téléphone. Tu te dis que t’aurais aimé tout garder d’elle depuis ton premier jour sur terre. Pourtant, le présent devient passé et c’est un constat froid, horrible mais objectif. Elle mourra dans mes bras quelques heures plus tard et j’ai pleuré toute mon eau. Dans la chambre, nous devions faire tellement peine à voir. Mêmes les infirmières, pourtant habituées, s’étaient planquées dans la salle de bain de la chambre pour pleurer.

A cet instant, ma vie c’était de la merde ! La mort, si loin et si proche en même temps. Elle « opère », doucement, mais précisément et sereinement. La pancréatite aiguë, une petite « saloperie » qui, pas à pas, déconnecte l’ensemble des organes vitaux de ton corps. En tant que « spectateur », tu peux la suivre en direct. Elle commence par le système digestif, les poumons, le cœur. La mort s’installe tranquillement et toi en face, tu ne peux rien faire. Tes mains tiennent fort les siennes. Tu sens sa chaleur, la chaleur d’une mère qui t’a élevé, aimé, vu grandir et qui aujourd’hui se meurt devant tes yeux. Son souffle est de plus en plus diffus, son rythme cardiaque ralenti, elle sert de moins en moins fort tes mains. Tu es impuissant, c’est le mot. Tu es tellement triste, toi qui tenais tant à la santé de tes proches. J’avais partagé avec elle, tellement d’astuces sur l’alimentation, des références bibliographiques, des conseils sur les bonnes émissions à regarder ou écouter. Elle adorait me faire à manger « sainement ». Elle aimait ce que j’étais et ce que j’étais devenu. En « bon » pratiquant de sport et en bon lecteur d’ouvrages de nutrition, je me disais qu’elle avait de la chance d’avoir un fils qui s’intéressait à ces sujets.
Mais la vie avait d’autres projets pour elle. Récemment à la retraite, pour elle, c’était de la fatigue, pour moi aussi, pour la vie, c’était le CANCER !

Le premier jour du reste de ma vie

Le vide s’installe. Tu es perdu, complètement perdu. Symboliquement, tu marches au ralenti dans un champs de céréales à perte de vue avec en fond la musique épique « d’Hans Zimmer ». Tu dois immédiatement gérer ta peine, les autres, la succession, son logement. Récupérer, ranger et trier ses affaires dans son appartement, une autre épreuve, la plus difficile à mes yeux. Toutes ses affaires indiquaient sa présence récente. Elle avait quitté les lieux comme si elle comptait y revenir dans quelques heures, ce qui était le cas à la base, puisqu’elle se rendait chez le médecin. Quelle souffrance ultime de voir tout ça ! Le moment le plus dur de ma vie et le plus douloureux : voir sa vaisselle dans l’évier, le frigo rempli, ses habits, ses papiers, ses livres. Nous devions pourtant tout ranger pour « libérer » les lieux et nous avions seulement quelques jours.
Gérer une succession à son âge, une épreuve à part entière. Une montagne administrative en perspective. D’ailleurs, heureusement que ma mère m’avait expliqué les bases de l’administration française, depuis que j’étais en âge de comprendre ! Gérer les « croques-morts », un challenge également. Dès le lendemain, ils sont sur le pas de ta porte ou au mieux sur ta messagerie de téléphone portable. « Il faut régler la facture des obsèques monsieur ». Eux, ils n’ont clairement pas le temps. Ils te servent des phrases toutes préparées en barquette du style « bien sûr, bien sûr, on comprend tout à fait », mais avec un fond de pensée de « tiroir caisse ». D’ailleurs, je comprends que beaucoup de personnes « lâchent l’affaire ». D’un point du vue administratif, c’est horrible et pourtant j’y travaille moi-même dans l’administration ! En réalité, tout le système est construit pour que les familles abandonnent, dans la peine et la souffrance.

J’ai malgré tout fait comme si de rien n’était, un peu comme si j’étais « habitué » à tout ça. J’ai concilié deuil et vie personnelle le plus simplement du monde, dans mon coin au calme. Je me disais, « j’ai déjà perdu mon frère, mes grands-parents et maintenant ma mère, la vie est injuste, malgré tout j’avance, je construis, quelque part je gère ». J’ai aménagé un bureau avec des fournitures (timbres, enveloppes, cahier, crayons), un ordinateur, Internet, une imprimante et j’ai lancé la machine ! J’ai « torché » la succession en dix mois, ce qui est plutôt rapide selon les « statistiques ».
Si un jour, vous vous retrouvez dans la même situation, faites bien la part des choses entre le deuil et la « paperasse ». En rien, je dis bien en rien, le volet administratif a légitimité à venir perturber votre peine. C’est dur, mais il faut le faire, le plus simplement du monde, c’est tout.

EN DÉFINITIVE

Il n’y a donc pas vraiment de mode d’emploi. C’est un sacré bordel la vie. Les émotions se mélangent. Il y a des bonheurs puis des malheurs, parfois les deux en même temps. Mais, il ne faut surtout pas se laisser « aller ». Me concernant, il aurait été facile de tout laisser tomber. Arrêter le sport, mal manger ou encore se laisser « crever », mais pour quelle finalité ? Ma mère était fière de ce que j’étais devenu et elle est partie avec une belle image de ses enfants. Quelque part, elle avait rempli son « contrat » en assurant le futur de sa progéniture.  Je n’ai et nous n’avons pas d’autres options que de faire de notre mieux, quoiqu’il arrive et tout au long de notre vie.
La vie est souvent injuste, elle est dure, mais tellement belle également. C’est pourquoi, toute mon existence je me forcerai à rester dans la « course », peu importe les épreuves. Travailler, s’amuser, rire, pleurer, s’investir, parler et aimer. C’est le seul moyen d’exister et c’est aussi à la portée de chaque individu avec ses moyens et a sa propre échelle. Dans la douleur, dans le bonheur, restons nous mêmes, humbles et sincères. Montrons l’exemple.

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