Probiotiques : simple tendance ou réelle efficacité ?
Probiotiques : définition
La FAO définit les probiotiques en 2014 comme « des micro-organismes vivants qui, quand ils sont administrés en quantités suffisantes, confèrent des bénéfices sur la santé de l’organisme hôte. » L’ensemble des probiotiques présents dans notre corps, et plus particulièrement dans nos intestins qui constituent l’interface entre notre bol alimentaire et le reste de notre organisme, est appelé microbiote (aussi retrouvé sous le nom de flore intestinale).
Les prébiotiques, quant à eux, furent définis en 2017 comme « un substrat qui est utilisé de manière sélective par les micro-organismes hôtes et qui confère un avantage pour la santé » ce qui rassemble donc l’ensemble des aliments bénéfiques au développement et à la survie des probiotiques.
Le microbiote humain apparaît majoritairement à la naissance et se développe et se diversifie en fonction des facteurs environnementaux, notamment du régime alimentaire de l’hôte. Le microbiote peut également varier entre les différentes régions de l’intestin en fonction des variations de pH de la concentration en substrat du temps de transit etc… Ainsi, chaque personne possède un microbiote unique qui lui est propre à l’instar d’une empreinte digitale. Il a été prouvé que cette population microbienne, qui agit en symbiose avec l’organisme, est cruciale pour l’homéostasie (l’équilibre) de notre corps.
On recense en moyenne chez l’être humain plus de 1014 bactéries du microbiote soit 10 fois plus que le nombre de nos cellules humaines. Il existe plus de 500 espèces de bactéries que l’on peut trouver dans notre microbiote mais 99 % de ce dernier est constitué par seulement 30 à 40 espèces majoritaires.
Les bactéries anaérobies du microbiote humain utilisent le processus de fermentation pour métaboliser des substrats en produits finaux tels que les acides organiques et des gaz.
Sources : Prebiotics and probiotics : are they functional foods ? / Probiotics and prebiotics in intestinal health and disease: from biology to the clinic
Rôles et fonction dans l’organisme
Les fonctions du microbiote et des probiotiques sont nombreuses et semblent être multifactorielles. Cependant, aucune généralisation sur les potentiels bénéfices des probiotiques ne peut être faite car ces derniers sont très spécifiques à chaque souche microbienne. De plus, des recherches plus approfondies sont nécessaires afin de confirmer les fonctions et effets associés aux probiotiques, la plupart des recherches actuelles ayant été réalisées sur des modèles animaux in vivo ou des modèles humains ex vivo qui peuvent donc ne pas être transposables au modèle in vivo humain.
Cependant plusieurs fonctions semblent être liées aux probiotiques :
- Tout d’abord, ils jouent un rôle essentiel dans le processus de digestion. En effet, les micro-organismes présents dans l’intestin humain sont capables de produire certaines enzymes facilitant la digestion. De plus, ils peuvent également hydrolyser certaines macromolécules biologiques comme les polysaccharides ou l’amidon, possédant la capacité de synthétiser les vitamines K ou les vitamines du groupe B ainsi que certains acides aminés essentiels, pouvant fermenter des substrats et des résidus alimentaires non digestibles et enfin étant capables de réguler certaines voies métaboliques.
- D’autre part, les probiotiques constituent des acteurs majeurs dans le maintien et la modulation de l’immunité et de la protection contre les pathogènes. Leur action permet de stimuler le fonctionnement des cellules immunitaires intestinales ainsi que le renouvellement et le renforcement de l’épithélium intestinal et de entrer en compétition avec d’autres bactéries pour adhérer à la muqueuse et l’épithélium. Ce phénomène entre dans le concept de « résistance à la colonisation » dans lequel le microbiote natif de l’hôte occupe les tissus de l’hôte empêchant alors les infections par des possibles pathogènes. Ils peuvent être également une source de substances antimicrobiennes facilitant d’autant plus la lutte contre les pathogènes.
Sources : Probiotic mechanisms of action / Probiotics and prebiotics in intestinal health and disease: from biology to the clinic
Où trouver les probiotiques ?
Les probiotiques sont naturellement présents dans de nombreux aliments et peuvent donc être facilement apportés par l’alimentation.
Néanmoins, il est à noter que seuls les micro-organismes vivants confèrent les bénéfices qui leur sont associés et qu’il est donc important de s’assurer que les aliments sélectionnés pour leur apport en probiotiques ne soient pas pasteurisés ou stérilisés afin de conserver les micro-organismes sous leur forme active.
On les retrouve principalement dans les produits laitiers et dans les aliments fermentés :
- Yaourts au lait cru non pasteurisé et yaourts fermentés (3*109 cellules vivantes dans 250ml environ)
- Fromages frais (mozzarella, cottage cheese, fromage blanc) et fromages affinés (bleus, camembert, brie…)
- Les boissons fermentées notamment le kéfir de lait en grains (4*1012 cellules vivantes dans 250ml) ou en culture (2*109 dans 250ml), le kéfir de fruits (5*1011 dans 250ml) et le kombucha (15*109 dans 250ml)
- Les légumes lactofermentés comme la choucroute (25*109 dans 250ml), ou le kimchi (25*1010 dans 150ml)
- les spécialités à base de soja fermenté comme le natto (10*1011 dans 250ml) le miso (25*109 dans 3 cuillères à soupe) et le tofu
- la levure de bière active (1*109 pour 1mg)
- le vinaigre de cidre
Attention néanmoins aux méthodes de préparation de ingrédients utilisées qui peuvent avoir un impact direct sur les quantités de probiotiques qu’ils contiennent. Ainsi selon le type d’ingrédients utilisés et la méthode de fermentation, la quantité initiale de probiotiques peut varier. De plus, la cuisson et les méthodes de stérilisation/pasteurisation détruisent les souches probiotiques. L’acidité peut également modifier leur quantité et peut affecter pour certaines souches leur survie et stabilité. Enfin les températures de stockage, par exemple, sont à surveiller.
Sources : Probiotics and prebiotics in intestinal health and disease: from biology to the clinic / Probiotiques naturels : quels aliments en contiennent vraiment ?
Signes de carences ou déficiences du microbiote
Nos modes de consommation modernes sont encore majoritairement basés sur l’achat de produits ultra-transformés, pauvres en nutriments et en fibres et riches en sucres raffinés, gras et produits de synthèse qui ont un effet assez délétère sur notre microbiote. De plus, la prise d’antibiotiques diminue d’autant plus notre diversité microbienne. L’âge, les infections, notre mode de vie ainsi que certaines chirurgies peuvent également être des facteurs d’affaiblissement de notre microbiote. C’est pourquoi de nos jours, de plus en plus de personnes souffrent de problèmes digestifs et de maladies liées au déséquilibre de leur microbiote.
Ce type de déséquilibre est appelé dysbiose et représente un problème majeur dans notre société actuelle avec plus d’une personne sur deux souffrant d’infections intestinales aussi connues sous le nom de MICI (Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin). Les maladies telles que la maladie de Crohn, la SIBO (small intestinal bacterial overgrowth), l’obésité, le diabète de type 1 ou 2 présentent toutes une forte corrélation avec notre microbiote intestinal et représentent des problèmes de santé majeurs et de plus en plus répandus de nos jours.
Sources : Microbiote intestinal (flore intestinale) / Probiotics and prebiotics in intestinal health and disease: from biology to the clinic / Chapitre 9. Dysbioses intestinales / La dysbiose, une nouvelle entité en médecine ?
Apports nutritionnels recommandés et comment y remédier
Aucune recommandation officielle n’a été prononcée concernant l’utilisation des probiotiques chez les adultes.
Les apports nutritionnels recommandés ne concernent donc pas directement l’apport en probiotiques et leur quantification mais plutôt notre régime alimentaire et sa composition, qui est le principal facteur de notre santé intestinale, et qui a une influence directe sur la composition de notre microbiote. Ainsi, l’apport nutritionnel en prébiotiques est l’approche la plus populaire pour rétablir les modifications du microbiote car elle est sûre, accessible, abordable et efficace. C’est pourquoi, il est recommandé par l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de consommer au minimum 25g de fibres alimentaires par jour pour un adulte moyen. Cependant, les scientifiques s’accordent pour dire qu’une consommation encore plus importante est nécessaire pour la bonne santé de nos intestins. Chez les enfants cette quantité dépend notamment des besoins énergétiques liés à l’âge mais l’EFSA prévoit une quantité de 2g de fibres alimentaires environ par tranche de 240kcal. Or, aujourd’hui en France l’apport quotidien moyen d’une femme est de 18g et d’un homme de 22g.
La deuxième façon de diversifier et renforcer son microbiote intestinal est de l’enrichir en probiotiques via la consommation d’aliments riches en probiotiques tels que les aliments et boissons fermentées.
Comment se supplémenter ?
Il existe également sur le marché des probiotiques sous forme de compléments alimentaires disponibles sous différentes formes. La plupart des compléments comprennent les souches de bactéries acides lactiques et les bactéries Bifidum car elles représentent la grande majorité des espèces composant, en général, notre microbiote intestinal.
Certaines études suggèrent que la supplémentation en probiotiques pour les adultes en bonne santé peut être liée à une amélioration de la concentration microbienne de l’intestin en certaines bactéries spécifiques. Cependant, plusieurs précautions sont à prendre avant d’acheter ce type de produits :
- Premièrement, comme vu précédemment très peu d’études concrètes sont réalisées sur des modèles humains ce qui ne nous permet pas de conclure véritablement sur la véracité des effets qui leur sont associés notamment concernant les bénéfices sur la maladie de Crohn ou sur les maladies mentales.
- De plus, chaque souche et espèce de probiotiques peuvent avoir leurs propres mécanismes d’action et des différences existent entre chaque souche.
L’effet des probiotiques dépend également grandement de l’hôte et de son environnement, notamment concernant l’état de base de son microbiote, son état de santé, son âge et évidemment son régime alimentaire. De plus, il est nécessaire que les probiotiques administrés soient encore vivants, puissent résister à l’acidité de l’estomac et soient capables d’adhérer à la paroi intestinale afin de coloniser ce milieu, ce qui dépend de la souche utilisée, de la matrice alimentaire qui peut l’accompagner ainsi que de la dose ingérée.
Les probiotiques n’étant capables de coloniser l’intestin que de façon temporaire, il est également recommandé de multiplier les prises plusieurs fois par semaine afin de ressentir une réelle efficacité.
Plus de recherches sur l’efficacité et les effets des probiotiques en compléments sur la santé d’individus sains sont nécessaires afin de fixer quelles sont les souches les plus efficaces ainsi que les doses recommandées, et ce en fonction des conditions générales de l’individu cible. Il est donc important d’être vigilant concernant le marketing lié aux probiotiques en tant que compléments alimentaires où les marques plébiscitent leur utilisation à un très large panel de consommateurs, incluant les personnes sans souci de santé, alors que la supplémentation chez les personnes saines reste questionnable.
De plus, certains produits sur le marché, se proclamant enrichis en probiotiques, notamment concernant les produits laitiers comme certains yaourts, sont souvent riches en matière grasse et en sucre ce qu’il faut prendre en compte lors de nos achats.
En l’absence d’études spécifiques ce genre de compléments est donc à éviter pour les femmes enceintes ou qui allaitent, et les personnes immunodéprimées. Les effets indésirables possibles lors de la prise de ces compléments sont les ballonnements, les gaz, des déséquilibre intestinaux (diarrhées, constipation etc) et cela pourrait même aller jusqu’à des infections et des déséquilibre de l’homéostasie de l’hôte.
Sources : A systematic review of the safety of probiotics / A review of probiotic supplementation in healthy adults: helpful or hype ? / Probiotic use in clinical practice: what are the risks ?
Liens avec d’autres molécules : les pouvoirs des prébiotiques et de la matrice alimentaire
Comme vu précédemment, les prébiotiques sont donc essentiels dans notre alimentation, pour le bien-être de nos intestins et, de façon plus générale, notre santé. De plus, la matrice alimentaire qui accompagne les produits riches en prébiotiques est souvent composée de beaucoup de vitamines, antioxydants et minéraux ce qui renforce encore plus les effets bénéfiques de ses aliments pour notre santé. Concernant les aliments fermentés, ils augmentent la digestion de certains composés pour les personnes pouvant souffrir de problèmes intestinaux.
Conclusion
Les probiotiques semblent avoir de nombreux bienfaits pour notre organisme. Cependant, ces effets restent encore à être confirmés avec des études plus pertinentes sur l’Homme. A l’heure actuelle de nombreuses personnes souffrent de maladies infectieuses de l’intestin et de dérèglements intestinaux, notamment liés à nos modes de consommations actuels. Ainsi, les probiotiques pourraient être intéressants pour rétablir cet équilibre. On retrouve ces micro-organismes dans un grand nombre d’aliments et de boissons, particulièrement dans ceux issus de la fermentation.
La supplémentation en probiotiques est donc possible notamment grâce à l’alimentation. Il existe également de nombreux compléments alimentaires sur le marché proposant des probiotiques. Cependant il faut être prudent et garder en tête que les effets sur la santé varient considérablement d’une souche à l’autre et que de nombreuses études seront encore nécessaires pour vraiment maîtriser leur usage. De plus, l’effet des probiotiques est largement influencé par l’environnement de l’hôte et dépend donc fortement de chaque personne.
Il est donc préférable de se tourner vers les prébiotiques que l’on trouve dans l’alimentation afin de réguler de façon positive son microbiote, notamment via la consommation de fibres apportées par la consommation de certains fruits, légumes, graines et racines.
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Maintenant, tu le sais
Article proposé et rédigé par Léa Wernette @leawernette